Les chambres d’hôte, un nouveau départ.
Naufragé de l’industrie, mais avec une pension et des savoirs faire, j’étais desireux de construire du solide enfin, ne plus avoir à compter sur les autres. Cette immense grange que nous avions acheté 4 ans auparavant et dans laquelle nous avions aménagé un premier appartement pouvait devenir notre entreprise.
Imaginez une grange couverte de lauzes de 40 mètres de long avec une charpente traditionnelle sur 2 niveaux ; en bas se trouvait l’étable et en haut la réserve de foin…Cette grange à la vente depuis 5 ans à un prix pourtant bas, n’intéressait plus personne. Les standards des étables modernes sont complètement différents puisque l’organisation de la stabulation y est différente
Avec l’aide d’un architecte, un deuxième permis de construire fût accordé et nous voilà repartis vers un nouveau chantier où nous allions avec Thérèse inventer et tout faire nous même.
Travailler sans être soumis à l’organisation scientifique du travail, sans passer par un bureau des méthodes ou des procédures, sans hiérarchie, travailler devient un pur plaisir, même si souvent des courbatures viennent insolemment vous rappeler votre âge. Moi qui avant avais signé l’accord sur la mise en place des 35 heures, je me surprenais à faire des journées de 10 heures et travaillais bien volontiers le samedi, bien content d’exister pleinement en tant que cheville ouvrière et maître d’œuvre…
Il s’agissait avant tout de respecter l’esprit de la bâtisse et sa vocation première, tout en y incorporant tout le confort moderne….Thérèse peintre, m’a beaucoup aidé pour les définitions générales et les finitions apportant le plus et le culot de l’artiste…C’est ainsi que d’abord je fus maçon par la création d’une dalle plancher à la place du vieux plancher, je devins menuisier avec mon combiné 5 opérations pour réaliser les parquets en chêne et les lambris en pin. Puis, serrurier, pour les escaliers, charpentes et garde corps, portes et fenêtres, cheminée, puis électricien, plombier etc. Comme l’on dit, il ne faut pas sortir de polytechnique, pour faire cela, il faut que ça plaise, et tout est possible…Pour la petite histoire, je dirais que j’ai connu 2 polytechniciens à la BP, l’un a été mon chef ; il ne m’a jamais enthousiasmé par sa compétence…sans audace il était . Par contre l’autre était syndicaliste et prêtre ouvrier, simple opérateur de fabrication, c’était son choix, en quelques mots il vous décrivait très clairement une situation complexe….J’en ai connu un troisième qui lui était directeur de l’usine, il avait gardé sa faconde du midi pour mieux faire passer les pilules, ça n’a duré qu’un temps. Vous savez que généralement on est polytechnicien de père en fils, ou même depuis 3 générations, c’était le cas de mon prêtre ouvrier. En effet, dans des familles de polytechniciens les enfants font polytechniques, par l’exemple, les problématiques évoquées dans le milieu familial, le savoir enseigné est celui de ce milieu, « l’habitus » comme dirait le sociologue Pierre Bourdieu, fait que les rejetons font comme leurs parents. Comme les enfants d’éleveurs veulent faire de l’élevage, malheureusement, ici, il n’y a plus de place pour tout le monde tant il faut d’espace. Les Enarques et autres hauts dirigeants n’annoncent-ils pas que le nombre de paysans dans l’Aveyron va être divisé par 2 dans les 10 années qui viennent avec la "Bénédiction" de Bruno le Maire et de son ministére!… Aujourd’hui, il devient urgent de défricher de nouvelles façons d’occuper et de partager l’espace et réinventer la ruralité, sans cela, nos régions de montagne seront complètement désertées, alors que bon nombre de nos enfants seront confrontés à la précarité dans les villes.
Nous avons moins besoin de cacique, que de gens de passion, d’imagination et d’entreprise pour des projets nouveaux, pour un développement durable et harmonieux. Des hommes et des femmes de conviction mettant leurs compétences et leur énergie pour inventer un nouvel art de vivre.
Il arrive qu’avec nos hôtes nous abordions ces sujets lors du petit déjeuner ou bien lors de moments de convivialité. Ce sont souvent eux même qui sont demandeur d’échanges sur la région. Ils sont tous frappés par la très faible densité de population et le « mais où donc allez vous faire vos courses ? » avec une pointe d’angoisse au fond de la voie. La réponse caustique…pourquoi, à Paris, vous n’avez pas les marchands qui viennent devant votre porte ?! ici c’est le cas !..Nous recevons des personnes de toutes les régions, de tous les milieux, de toutes les professions, et les échanges sont souvent fructueux de part et d’autre….Nous sommes quelque part les ambassadeurs d’Aurelle Verlac et de l’Aubrac, et en sommes fiers.